LES PLACEMENTS DE PRODUITS

L'HISTOIRE DES PLACEMENTS DE PRODUITS SUR NOS écrans

MARTIN D.

Temps de lecture : 4 minutes

Au cinéma comme à la télévision, les personnages font souvent partie du monde réel et ils interagissent donc forcément avec des objets de notre quotidien. Là où quelques réalisateurs vont concevoir de fausses marques pour créer une illusion de réalité, d'autres y verront un moyen d'intégrer de véritables marques à l'écran. 

Même si ce procédé n'a pas toujours une fin pécuniaire, d'aucuns en profitent pour nouer un partenariat avec des entreprises qui, en échange d'une certaine somme d'argent, demanderont un temps d'apparition de leur produit dans l'œuvre. On appelle cette technique publicitaire le placement de produits.

Il est légitime de penser qu'avec l'esprit de consommation actuel, ce procédé ne date que de quelques années. En réalité, il remonte à plus d'un siècle, c'est-à-dire à la naissance même du cinéma ! Nous pouvons retrouver les premières traces du placement de produits en 1896 dans "Les Laveuses" des Frères Lumière où ces dernières utilisent du savon "Sunlight" pour faire leur lessive.  

La plupart du temps, cette pratique est gagnante pour les deux parties. Le produit s'offre l'attention de l'audience ailleurs que dans un spot publicitaire et l'œuvre obtient de quoi financer son budget ainsi qu'une connexion directe avec notre réalité.

Si le placement est bien exécuté, il peut même participer de manière positive à la caractérisation des personnages et à l'image de la marque. C'est par exemple le cas pour "James Bond" qui, durant des décennies, conduira une "Aston Martin" et portera une "Rolex" à son poignet. Cela fait sens, car un personnage aussi élégant et sophistiqué que lui ne souhaiterait jamais s'attifer d'une montre premier prix.

Selon le site hollywoodbranded.com, 85% de l'audience remarque le placement à la télévision ou dans les films et 57% achète un produit selon ce qu'ils ont vu à l'écran. Ainsi, par exemple, les bonbons "Reese's" ont augmenté leurs profits de 65% deux semaines après la première séance de "E.T. l'extra-terrestre" alors qu'ils n'apparaissaient que quelques secondes dans la fiction.

E.T., l'extra-terrestre

E.T. l'extra-terrestre, 1982

Parmi d'autres exemples de placements réussis, citons Tom Cruise qui, en portant ses "Ray-Ban" dans "Top Gun" durant les années 80, relanca complètement la marque qui était pourtant au bord du gouffre. Quelques années plus tard, en échange d'une grande présence dans le film, "FedEx" permit aussi à "Seul au monde" (2000) de se dérouler au nord-ouest des îles Fidji. La compagnie prit en effet l'initiative d'effectuer tous les transports nécessaires pour le tournage entre l'île de Chuck Noland (interprété par Tom Hanks) et le continent Océanien. Ce genre d'échanges montre qu'un placement bien réalisé bénéficie autant à l'oeuvre qu'aux marques et aux spectateurs.

Cependant, si ces placements sont intrusifs, insensés ou trop nombreux, ils peuvent aussi dénaturer l'
œuvre et changer son message, la transformant alors en panneau publicitaire géant et créant la colère des spectateurs trahis. Le film "Transformers : L'âge de l'extinction" (2014) de Michael Bay est le meilleur exemple récent de ce phénomène. En effet, plus de 55 marques défilent à l'écran pendant les 165 minutes de visionnage et ces enseignes ne sont pas toujours montrées de la manière la plus subtile...

En dépit de ce matraquage publicitaire, c'est pourtant un autre film qui marquera bien malgré lui l'histoire du cinéma en tant que caricature absolue de placement de produits : l'effarant "Mac et moi", osrti en 1988 dans les salles obscures. Le film, considéré par l'opinion générale comme étant un plagiat nanardesque de E.T. (sorti 6 ans plus tôt), voit son message original souillé par des placements de produits aussi vicieux que décomplexés pour certaines grandes marques de boissons et fast-foods américains.

On y aperçoit des aliens se faire réanimer grâce à quelques goûtes de "Coca-Cola®" et profiter d'un excellent repas chorégraphié dans un restaurant "McDonald's®". Cette publicité outrancière et non déguisée est d'autant plus regrettable que le film s'adresse prioritairement à des enfants. Dès lors, "Mac et Moi" s'est écrasé au box-office, engendrant 6,4 millions de dollars pour un budget de 13 millions.

Mac et moi

un extra-terrestre de "Mac et moi"

Afin d’éviter au spectateur un parfum d’arnaque, le placement de produits se doit d’être réalisé avec finesse et discrétion, sous peine d’être contre-productif. Pourtant, l’exposition immodérée d’un produit peut paradoxalement parfaitement fonctionner. Dans "Bienvenue à Zombieland" (2009), la recherche obsessionnelle de célèbres cakes (« Ces Put.. de Twinkies® ») par Tallahassee (Woody Harrelson) tourne à l’humour parodique et s’intègre parfaitement au film. La dérision permet ici au spectateur d’accepter le
placement de produit sans aucun arrière-goût de tromperie.

Le placement de produits ne constitue pas l’apanage du cinéma ou de la télévision. Il se rencontre de plus en plus volontiers, avec plus ou moins de succès, dans d’autres domaines. Dans le jeu vidéo "Death Stranding", le réalisateur Hideo Kojima n’hésite pas à promouvoir une marque de boissons énergisantes (ici Monster Energy Drink®), s’attirant ainsi les critiques de certains joueurs. 

Alors que le but de l'histoire est de guider notre personnage à travers une Amérique post-apocalyptique, son seul moyen de se réhydrater ne sera pas l'eau mais une gourde de "Monster®".  Beaucoup vous diront qu'après l'effort, il existe mieux à ingurgiter qu'une grande quantité de boisson énergisante. Ce placement ainsi que le message qu'il véhicule font donc tache dans un jeu qualifié par la plupart des joueurs comme un "jeu d'auteur profond et intelligent".

En conclusion, le placement de produit constitue une recette très ancienne mais courante dans le domaine de l’audio-visuel. Les réalisateurs y voient probablement et avant tout un moyen, parfois incontournable de subsidier leur œuvre. 

La méthode présente néanmoins des limites qu’il est dangereux, voire réellement contre-productif de transgresser. Sans une dose de subtilité (« James Bond ») ou d’humour (« Bienvenue à Zombieland »), le spectateur peut rapidement comprendre qu’il joue, entre le réalisateur et la marque du produit, le rôle du pigeon, alors que de sa seule bonne opinion dépend le bénéfice réel de chacun. Un mauvais film conjugué à un mauvais placement contribuera paradoxalement à aggraver l’image des deux parties et à transformer des espoirs de profits en pertes sèches.

Crédits images : Waynes World (1992), E.T., l'extra-terrestre (1982), Mac et moi (1988)